Bonjour à tous et à toutes. Ci-dessous se trouve le témoignage de Fiona sur le trouble du spectre autistique (TSA). Fiona est étudiante en psychologie et nous la remercions infiniment pour ce témoignage ! L’image d’avant-garde est un origami fait par Fiona.
Comment ta condition se manifeste-t-elle ?
Le TSA* est caractérisé par des difficultés de communication sociale, des différences sensorielles, des intérêts spécifiques et restreints et stéréotypies. Pour moi, ça veut dire que tout ce qui semble évident socialement ne l’est pas. Je fais beaucoup d’efforts pour assimiler le fonctionnement des autres et les rapports relationnels « normaux » pour m’intégrer. J’ai beaucoup de peine à mentir même quand ce serait utile (par exemple pour ne pas faire de peine à quelqu’un). J’ai des difficultés à identifier si un sujet est tabou ou bien sil n’est pas approprié au contexte/a l’interlocuteur. Ça veut dire que parfois, je dis les choses très directement et cela peut surprendre. Par contre, je suis extrêmement sensible aux émotions des autres. Je ne veux surtout pas blesser les gens et quand je le fais, c’est accidentel. Pour ce qui est des différences sensorielles, j’ai beaucoup de peine avec les foules, les lumières trop fortes, certains sons forts et surprenants, les odeurs en général et la texture des aliments. Ça demande de s’accommoder constamment (soit changer l’environnement ou alors faire avec quand c’est possible). Mes plus grandes difficultés sont organisationnelles, sensorielles, ainsi que gérer mes niveaux d’énergie qui sont très variables. En plus du TSA j’ai aussi un TDA, ce qui aggrave un peu mes problèmes d’organisation du quotidien. Par exemple, c’est très difficile pour moi de gérer dans la même journée les repas, les cours, faire les courses, ranger/nettoyer mon studio, me doucher, cuisiner. Je dois souvent choisir une ou deux activités par jour et comme les cours sont non optionnels, ça ne me laisse pas beaucoup de marge pour faire les tâches du quotidien qui sont indispensables. Ça demande donc beaucoup de planification. En ajoutant par dessus tout ça les problèmes sensoriels, par exemple les odeurs, les sons et certaines textures, tout devient extrêmement difficile et fatiguant (comme faire la vaisselle avec les assiettes sales, les restes de nourriture qui touchent mes mains, avoir les mains mouillées et les odeurs de la cuisine).
Y a t-il des choses que ton trouble t’empêches de faire à l’Université ?
Pour moi, c’est très difficile d’enchaîner les cours et de changer de bâtiment. En fait, j’ai de la peine à passer d’une chose à une autre et il me faudrait déjà 15 minutes juste pour me préparer mentalement à me lever de ma chaise mais comme je n’ai pas le choix, je fais tout très vite et je finis épuisée. Autrement, c’est la prise de note qui est impossible pour moi. Je me retrouve donc avec des gros soucis quand je ne connais personne dans mon cours pour demander leurs notes et que les slides de cours sont peu étayées. Et comme mentionné, j’ai des niveaux d’énergie plutôt variables alors si je me réveille sans énergie je dois faire avec même lorsque j’ai une journée avec 6-8 heures de cours. Ça m’est arrivé de ne pas aller en cours et de dormir mais ensuite j’ai culpabilisé et stressé de manquer des informations importantes pour les examens.
Bénéficies-tu d’aménagements pour les cours et/ou les examens ?
Oui, mais c’est mince. J’ai 15 minutes par heure de temps supplémentaire et quand cela est possible, je peux passer mon examen dans une salle à effectif réduit (je n’arrive pas à me concentrer quand il y a trop de gens autour de moi). Pour ce qui est des cours, je n’ai aucun aménagement même si j’estime que c’est là que je souffre le plus. Malheureusement, je n’ai pas trouvé d’aménagements qui seraient validés par l’université et qui pourraient m’aider. Je pense notamment aux fameux cours enregistrés qui dépendent entièrement du bon vouloir des professeurs.
Quels sont tes sentiments face aux structures actuelles de l’Université ?
Je suis un peu déçue du manque d’aménagements prévus. J’étais à une séance donnée par l’université sur les handicaps et les aménagements et leurs réponses à toutes nos demandes étaient que ce n’était pas possible de faire ceci ou cela. J’ai l’impression qu’ils ont peur de désavantager ceux qui n’ont pas de handicaps mais au final, c’est nous, ceux qui ont un/des handicap/s, qui sont désavantagés. Comme si pour être sûrs d’être irréprochables, ils préfèrent ne rien faire.
Est-ce que tu t’es déjà sentie exclue dû à ton trouble ?
Oui, par moment. Dans les conversations en groupe, j’ai beaucoup de peine à suivre et je ne capte pas toujours de quoi on parle alors je n’arrive pas à participer. J’arrive à faire part des choses pour ce qui est des relations amicales mais quand il s’agit de travail de groupe, la pression de bien maîtriser le sujet et de participer suffisamment est plus grande. Autrement, j’ai surtout eu l’impression que par manque de compréhension, les gens veulent me rassurer en me disant « mais tu sais, tout le monde… » quand j’exprime une difficulté liée à l’autisme.
Est-ce qu’il y a des choses que tu souhaites ajouter ?
Je me rends compte que je suis parmi les plus privilégiées en tant qu’autiste de pouvoir faire et terminer mes études universitaires. J’ai la chance de bénéficier de soutien en dehors de l’université qui me permet d’économiser mes ressources et mieux gérer mes études. Je trouve dommage que la charge émotionnelle et psychique étant trop grande pour certains, cela les empêche de réaliser les études qui les intéressent, pas par manque d’intelligence ou de capacités mais à cause d’obstacles structurels.
*Définition du trouble du spectre autistique
Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) regroupe un ensemble de troubles neurobiologiques qui agissent sur le développement des personnes dites autistes.Ils se caractérisent notamment par des dysfonctionnements dans les interactions sociales, la communication, les comportements et les activités.
L’autisme représente un ensemble de symptômes (communication, relations sociales, comportements, etc). Ces symptômes varient d’une personne à l’autre. Ils peuvent être plus ou moins présentset même évoluer au fil du temps. Chaque personne autiste est donc différente. L’utilisation du mot « spectre » permet d’intégrer toute la diversité des troubles et de signifier l’évolution possible de personne au sein de ce spectre.
https://www.autismeinfoservice.fr/informer/autisme/tsa